Le tigre et le papillon
Article 16. Le protocole dans un premier temps
Je rencontre les élèves de la 187 ème promotion d’élèves surveillant à leur arrivée à l’École nationale d’administration pénitentiaire. Dès le deuxième jour l’administration remet à chacun un uniforme. Pour ces 632 élèves c’est un moment fondateur qui se déroule dans une certaine urgence, avec une pression dû au peu de temps qu’ils ont pour prendre possession de leur uniforme.
Depuis 8h du matin, les élèves défilent par groupe. Ils sont accueillis à l’entrée par une équipe de volontaire de l’Énap qui leur donne les consignes. Le moment est beau, silencieusement le groupe écoute attentivement, leurs yeux scrutent l’immense gymnase et les centaines de boîtes en carton alignées au sol. Dedans, les uniformes des surveillants ont été confectionné par des détenus. Ces derniers sont parfois blagueurs et certains cousent dans les poches, les rendant inutilisables ou les tailles ne correspondent pas à la réalité.
Des pieds sans chaussettes tentent de s’ajuster à une paire de chaussure de sécurité. Peu à peu, les marques et les codes vestimentaires disparaissent. La plus part des hommes sont musclés, les cheveux très courts, le visage bien rasé. Pour les femmes, la silhouette épouse l’uniforme sans plus de concession que chez les hommes. Les silhouettes commencent à se ressembler. Les uns et les autres ajustent leur corps à l’uniforme, il faut rentrer le polo dans le pantalon. La course continue, ils sortent et se présentent devant un instructeur qui va leur donner les consignes de base du port de l’uniforme. Car dès cet instant, ils devront le porter.
De cette tension surgissent un ensemble de gestes qui se répètent, comme des mouvements dansés, certains contenant de la fragilité, de l’anxiété ou encore de l’hésitation. Tandis que d’autres sont des gestes précis et déterminés. Des instants que j’ai pu observer et documenter depuis ma place d’artiste hors des enjeux du moment.
La semaine suivante, je les retrouve par petits groupes afin de le leur proposer de rejouer différents moments de cette journée. Ils me font part de la beauté de ces moments et de l’émotion ressenti à l’instant de rentrer dans ce corps professionnel. Dans le même mouvement, il y a, sous-jacent, cette appréhension face à un métier encore inconnu. Car si prendre possession de l’uniforme c’est se sentir appartenir au groupe, ils savent bien que le chemin est plus compliqué que ça. Ils font face à une histoire, avec leurs représentations et leurs craintes.
Je décide de m’appuyer sur une série d’uniformes de collection que possède l‘Énap pour qu’une partie des élèves puissent incarner cette institution, son histoire.
Ils sont visiblement émus de pouvoir endosser ces uniformes. Ils représentent quelque chose d’important pour eux.
Une première série de protocoles est conçue comme un remake de ces moments mettant en situation les élèves, les codes du métier et leur imaginaire face à l’univers carcéral qu’ils ne connaissent pas encore.
La convocation, Ajustements, Le mur rouge (1,2 et 3), Retenir son souffle est un ensemble de sept pièces issues de ce premier protocole.
Arnaud Théval, octobre 2014
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